jeudi 5 mars 2009

Mon île dans l'île





Quand il n'y a plus de routes, on sort du bus et on marche le long des plantations de bananes. Le centre Richmond. Trois gros blocs vétustes encadrés par une nature dense. Un volcan. La mer. Des chutes d'eau. Aucun village à moins d'une heure. Des plantations de banane, et au bas de la montagne, du cannabis. On se sent en retraite, comme dans un temple, sans la spiritualité.
L'ONG forme des instructeurs pour faire des campagnes de sensibilisation face au Sida, former des professeurs, des fermiers, des enfants. Dans trois pays: Malawi, Mozambique, Afrique du sud. Les étudiants payent leur formation qui dure 6 mois, puis s'en vont 6 mois dans le pays. Les choses sont toujours très belles sur le papier. Quand j'arrive, une équipe se prépare à partir sur le terrain, une autre arrive. À la place de la formation promise, les étudiants butent sur un kibboutz inégalitaire. Le centre fonctionne à la sueur des petites mains volontaires. Ménage, cuisine, entretien, réparations, jardinage, comptabilité, promotion, mais aussi recherche de fonds, puisque chaque étudiant ne peut recevoir son diplome que s'il arrive à ramasser 1500 $ d'aide, animations, cours de langue... Rien ne vient de là-haut, sauf les ordres.
L'expérience est enrichissante mais cher payée. Les Européens ont dépensé 10 000 euros si l'on additionne formation, billets d'avion, vaccins, visas. Les locaux tombent en ruine. L'hygiène est déplorable. L'encadrement quasi inexistant. Leurs grands discours sur le combat contre la pauvreté dans le monde ne me convainquent pas. Quand les actes disent le contraire des mots... Quand on est généreux à temps partiel sur une partie du monde, on ne l'est pas pour les bonnes raisons. Il suffit de les regarder faire, ou plutôt, ne rien faire... Suffit de regarder aussi leur attitude sur place, presque aucun contact avec les locaux, et des emplois précaires, pour une organisation de coopération, un des nombreux paradoxes de cette boite à rêves.
Rapidement, les simulacres se trahissent. Le jardin bio est désolé de légumes. Le reste de la bouffe malsaine, envahie par les rats, les blattes et les mouches... L'eau marron... Le centre de Hiking est réservé aux touristes friqués et bien-sûr, ce sont les étudiants qui le font tourner... Plusieurs accidents ont eu lieu, et un mort, en quatre ans d'existence... Surtout, il y a l'argent... Rodrigo résumera en une phrase ce que je pourrais décrire sur des pages... Du fake pour attirer l'argent, voilà ce qu'il semble se passer ici. Je découvre un site (http://www.tvindalert.com/ uniquement consacré à dénoncer le réseau auquel appartient cette ONG, Humana people to people, un enfilage d'organisations à but non-lucratif et d'entreprises privées, chacune sous un nom différent, installées dans le monde entier, avec quelques ONG dans les pays réputés pour le Offshore, Suisse et Caraibes notamment. Le groupe trempe dans un scandale de détournement de fonds. Mais je ne sais pas si c'est une campagne de salopure... Ce que je sais, c'est que l'ONG n'est pas honnete dans ce qu'elle promet, qu'elle ne parle pas une seule fois des 1500 $ de financement à aller chercher dans le contrat signé par l'étudiant. Ce que je sais aussi, c'est que le programme de coopération avec les fermiers en Afrique est tourné vers l'exportation, et que les fermiers doivent eux aussi payer leur formation, ce qui implique qu'il s'agit davantage d'entreprises et riches propriétaires que de locaux désireux de cultiver leur terre pour subvenir à leurs besoins. Une démarche capitaliste... Je continue mon enquête en espérant déméler les imbroglios.
Moi je troque ma pension complète contre une place de cuisto. Je pars ramasser des fruits dans les champs. Je poursuis le reponsable du jardin pour glaner quelques connaissances côté terre. Je participe aux tâches. Écoute les étudiants, leur motivation, leurs espoirs. Pars en excursion. C'est une expérience riche. Les rencontres, cette fois, tombent dans mon assiette comme des mouches. Ou devrais-je dire qu'elle traversent mon assiette comme des blattes...

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