Penser le sentiment comme une excroissance de l’instinct dans une logique darwinienne ne me plait pas. Ne me transporte pas. Ne me suffit pas. Logique hautement déterministe qui condamne la magie des sentiments et des émotions primaires à n’être qu’une chaine de causalité motivée par l’unique but de survivre. Ce n’est pas que je croie au libre arbitre, c'est plutôt contre le refuge qu'apportent ces raisonnements parfaits que j'en ai...
Ça marche… C’est prouvé… Scientifiquement… Des tests suffisants corroborent la thèse de... Prétention scientifique qui mène à des gestes aussi puérils qu’une transplantation d’un gène résistant aux pesticides sur nos cultures. En toute connaissance de cause.
Moi, ce que j’aime dans la science, ce sont ses impasses. L’équation irrésoluble. Dans la neurologie, je prends les histoires merveilleuses et tellement borgésiennes d’Olivier Sacks. Une femme tombe de son lit, emportée par sa jambe qu’elle a jeté hors des draps en pensant qu’elle appartenait à un autre; un homme prend la tête de sa femme pour son chapeau… Histoires qui ont l’air tout droit sorties d’un recueil de Poe mais qui sont vraies.
Ce que j’aime dans le matérialisme, c’est qu’il nous libère de la toute-puissante pensée rationnelle. Pas qu’il nous enferme dedans. J’aime qu’il réconcilie corps et esprit, j’aime imaginer de minuscules cerveaux au bout de chacun de mes doigts, sur le ventre, sur les seins, sur la plante des pieds, des connexions nerveuses émerger de tous les pores.
Les IRM, de toute façon, ne photographient pas le territoire crânien des coïncidences heureuses, de cet allo que j’entends en décrochant le téléphone du vieil ami que j’avais justement l’intention d'appeler. La littérature, par contre, permet d’écrire en toute impunité des personnages qui agissent en pleine inadéquation avec le monde qui les entourent.
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