lundi 2 mars 2009

Comme une prison

J'ai pris le bateau pour m'y rendre. Petite île qui devait être une des étapes fortes du voyage. J'ai toujours aimé les îles minuscules, celles qu'on parcourt à pied, petits villages où vous devenez une silhouette familière au bout de quelques jours. Mais dans les petites îles, il y a l'étouffement aussi. Ces regards incessants qui jugent et des mots qui se promènent de portes en portes pour condamner l'attitude de celle-ci, la paresse de celui-là. Dans les petites îles, des gens qui n'en sont jamais sortis. À peine le pied posé sur l'île de Carriacou, je deviens un véritable phénomène de foire. On me touche, on m'interpelle, on m'invite à des trucs pas catholiques avec une virulence qui m'effraie presque. Qui m'effraie.
Je redresse les épaules, marche jusqu'à l'auberge en évitant les mains. Ça va passer, dès qu'ils m'auront croisée deux, trois fois, ils vont m'oublier, reprendre leur vie. Mais ça ne passe pas. C'est Carnaval à Carriacou, les hommes boivent toute la journée, puis toute la nuit. La musique fait vibrer mon lit. J'hallucine éveillée. Pour la première fois depuis le début de mon voyage, je m'enferme dans une vision tout en noir, impossible d'étabir la moindre relation, trop sauvages, ils n'ont pas de distance sur le monde, tout en prise directe, une vie sauvage et insouciante au présent, faite de besoins primaires qu'ils assouvissent primairement. ils ne croient qu'à la weed, le sexe et la musique...
On me suit jusqu'à l'hôtel. On tente d'entrer dans ma chambre. Bientôt, je suis enfermée, totalement recluse dans ma chambre à espérer que la musique s'éteigne. Des cris barbares, des chants, des coups de klaxon, et des canettes de bière qui éclatent contre des murs. Une ambiance de fin de fête de la musique à Paris. Je plonge dans l'univers célinien de Voyage au bout de la nuit. De la folie, la maladie qui menace l'Occidental dans ces pays lascifs et mous. Les danses lascives énervent les esprits. Des moteurs vrombissent, et la musisque reprend. Hip hop et mauvaise soul alternent avec les rythmes du carnaval.
Quand l'homme de ménage me demande d'un air coquin si mon mari doit me rejoindre, je suis à deux doigts de lui sauter à la gorge ou de m'effondrer en larmes sur le lit. Je suis épuisée par ce sentiment de vulnérabilité, épuisée de m'inventer mari et enfants en guise de mur, épuisée de ne pouvoir établir aucun contact autre que celui-là depuis une semaine, épuisée de ne pas pouvoir relâcher ma méfiance.
Je devais attendre quelques jours le bateau qui me mène à l'étape suivante. Je craque. Fais marche arrière, suis à deux doigts de prendre un avion pour rentrer. Mais l'auberge de Grenade me recueille et me redonne les forces nécessaires pour continuer. Je repartirais en avion donc, une fois de plus, pour sauter par dessus ces îles sauvages et me rendre directement à St-Vincent.







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