lundi 2 mars 2009

Des bus


On croit avoir tout compris, mais chaque île est un nouveau système, malgré des airs de soeurs. Comme ces minibus qui quadrillent le territoire et obéissent chaque fois à de nouvelles règles. A Grenade et St-Vincent, ils roulent à gauche, du moins, sont-ils sensés. Bien souvent il n'y a qu'une voie, celle de celui qui s'impose, au beau milieu de la route, l'autre prend la chaussée. On entend son klaxon de loin et on lui fait signe. À Grenade, c'est simple, la direction finale est écrite sur le pare brise. Quand on veut descendre, on frappe un grand coup sur la tôle. Alors un jeune homme à l'arrière vous ouvre la porte et encaisse. Souvent 2 $ EC. Un rien du tout. Je me laisse promener dans les montagnes en regardant le paysage défiler. Rarement les gens me parlent. Ils ont tous l'air absorbés par un ailleurs. Comme dans nos métros, ils s'évadent de leur quotidien. À St-Vincent, il faut sans arrêt demander, confirmer, car rien ne distingue un bus d'un autre bus, d'un taxi, d'un particulier. À la station de bus, je suis un phénomène. Certains rient derrière leur main. Les hommes vont tous à Chateaubelaire aujourd'hui. Ils veulent prendre mon bus. On s'entasse les uns sur les autres. Des sacs de farine, de graines, de riz. J'ai une fesse sur la banquette, l'autre en équilibre. Des odeurs de cheveux sales, d'épices et de poisson grillé sous le nez. Des tours et des tours dans les montagnes avec une falaise à pic qui m'inquiète un peu. Mais je me rappelle du camion sans frein dans la montagne de Bouvier et je me dis que la mort choisit son heure, que c'est n'est pas la mienne aujourd'hui. On hurle pour arrêter le chauffeur étourdi au Bob Marley, et tout se paie ici, un sac en plus, un détour, un service, c'est la plus grande différence entre Grenade et St Vincent. Ils appellent ça gentillesse, mais c'est une marchandise. Quand on arrive à destination, le chauffeur fait l'addition, cling cling, ça fera 10 $EC. Je ne bronche pas. Les autres sont venus de l'aéroport en taxi: 100 euros.


Je réalise à quel point tout est aseptisé, fonctionnel dans nos pays. Civilité dans les bus. Et ces règles qu'on brandit pour qu'il ne mange pas dans le bus, qu'elle fume à telle distance de la porte, qu'elle chuchote dans un espace public, que personne ne dérange la petite routine solitaire des autres. Ici, mes tympans sont à vif. Ça crie tellement fort, pour rien. Dans le bus, mon voisin voit un ami à l'autre bout de la route, il hurle son nom, il hurle aussi pour que le mec assis au bar lui apporte une bière, il crie pour recouvrir le bruit de la musique, du klaxon, des autres passagers. Même pour me demander d'où je viens, alors que je suis collée à lui, il crie.

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