lundi 2 mars 2009

Mais pas n'importe quelle compagnie

C'est le danger de l'isolement, on attrape la première personne au passage. Une fille sympa, mais vide. Effrayée par tout ce qui l'entoure. Elle voyage beaucoup, jamais seule. Elle n'a pas aimé le Maroc car ils étaient trop envahissants. La Bolivie car ils étaient trop pauvres. L'Argentine. Le Pérou. Elle déteste cette île et tous ces hommes qui se conduisent comme des sauvages. Leurs provocations. La trouve dangereuse. N'a pas encore mangé ailleurs que dans sa cuisine où elle réchauffe des soupes en boîte. Végétarienne. Inquiète. Allemande. Elle marche en regardant pas terre. Ne salue pas les gens. Ne leur répond même pas. Elle ne veut laisser aucune porte ouverte. Elle calcule avec sagesse chaque geste à venir. Elle calcule chaque pièce qui sort de son porte-monnaie. Je partage ma chambre avec elle à Carriacou pour l'aider. Elle s'ouvre un peu. Découvre quelques spécialités culinaires. Accepte de s'arrêter quelques minutes pour échanger. Quand je décide de retourner sur mes pas, que je n'ai pas d'endroit où dormir, elle regarde par terre, silencieuse, espère que je n'ose pas, lui demander de me rendre la pareille. Ensuite, elle cherchera à partager d'autres heures. Sans moi merci. Elle prend des gens parce qu'elle a peur, mais elle n'est pas là, n'écoute pas, ne s'interesse pas. Elle cherche juste à laisser filer le temps le plus rapidement possible jusqu'à la date du retour. Elle fait son stage en médecine ici.


Quelques jours plus tard, je rencontrerai une Italienne avec qui l'île dévoilera un autre visage. Plus amical. Nous mangerons dans les stands rasta, bouffe biologique, poisson frais. Elle parle avec tout le monde. Cherche la bonne attitude, comme moi, entre cette foutue distance qui protège des dérapages trop fréquents mais prive de tout échange, et la trop grande familiarité... Elle était avec un groupe. Décide de ne pas les suivre et de rester seule sur cette île, inspirée par mon expérience. C'est pas fréquent une fille toute seule dans les Antilles. Elle l'a jamais fait mais elle veut savoir, se trouver là-dedans. Elle est passionnée par la culture rasta. Elle voudrait aussi aller au Pérou l'hiver prochain. Elle a 10 ans de plus que moi. Me demande si ça me tente. Nous irons boire du rhum au petit matin. Elle me laissera son lit le temps d'une sieste avant le décollage. Et une adresse mail. L'autre aussi.
Il faut bien choisir ses compagnons. Ne pas remplir la solitude d'ombres qui gachent le voyage. Être ouvert, mais garder une ligne directrice. Ne pas s'oublier.

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