"C'est pas possible de ne vivre le monde qu'à travers l'écran de la télévision"
Sa voix est de plus en plus triste au fur et à mesure qu'il sent son rêve lui échapper. À chaque nouveau départ. Il y a eu Y. et M. à deux jours d'intervalle. Puis P. Maintenant, c'est l'Argentin. Chaque fois, il se lève avec nous et nous accompagne. J'ai mis du temps à comprendre ce que représentait ces départs pour lui. Pour nous c'est la fin des vacances, ou une étape dans un périple. Pour lui, c'est un peu de l'ailleurs qu'on avait mis dans sa maison.
C'est qu'on a tous vécu comme dans un rêve. Chaque jour de nouvelles têtes. L'Argentin qui revient. Le frère qui se point un jour plus tôt. L'Espagnol qu'on invite et qui se plait. C'est devenu un beau bordel. Ça aurait pu le miner. L'angoisser. Peur de la délation, ça prend des proportions démesurées notre histoire. Mais le voilà qui rajeunit. S'allège. S'installe dans le présent. Il part acheter des bouts de mousse pour faire des lits de fortune. Rit de coucher par terre dans le salon. La routine est brisée. L'attente aussi. Le voilà qui se regonfle de vie au présent. On fabrique des bracelets pour les vendre. On part jongler sur Parque central. Le soir, du rhum et des gamelles de pâtes qui me rappelent mes vacances d'ado. Il est en voyage avec nous.
Le dernier jour, alors qu'il ne reste plus que moi, il me dit, ce que j'avais compris toute seule, qu'il attend... Chaque jour, il attend quelque chose qui n'arrivera pas. Il ne sait pas ce que c'est. Il appelle ça la liberté. Il me dit "Tu comprends, c'est pas possible de ne vivre le monde qu'à travers l'écran de la télévision!" Ses yeux reprennent cette teinte gris d'espoir.
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