Il ne suffit pas de cesser d'attendre la fin promise de cette révolution qui n'en finit plus. Ou l'exode dans un pays magnifié. On peut aussi perdre le présent dans le désir. Il y a 20 ans peut-être, cet homme nouveau si cher au Che a été à deux doigts d'exister. Peut-être les désirs de cet homme étaient-ils transcendés par le sens du devoir et le goût de l'égalité. Ils sont beaucoup à magnifier cet idéal d'homme, mais moi je n'aurais pas voulu. Non, je n'aurais pas voulu être à leur place. Qu'on m'enlève ma part égoïste, cynique, critique au nom d'un idéal. Qu'on lisse tout. J'aime quand ça boursoufle, même quand il faut le payer.
Aujourd'hui, l'homme nouveau n'a pas résisté à un capitalisme d'État qui a autorisé la société de consommation à entrer dans l'île, tout en érigeant des murs tout autour dans l'espoir naïf de le contenir à l'intérieur des hôtels. Les magasins de rationnement aux étagères vides côtoient les boutiques d'État qui vendent rhum, vin, softs, pâtes, jambon, fromage et gâteaux aux prix de l'occident. Les fruits et les légumes cultivés par les petits paysans sont rachetés pour être vendus sur les agromercado, à des prix favorables aux touristes et à la classe bourgeoise... Il faudrait que les autres se satisfassent de leurs oeufs et de leur congri quotidien, d'une paire de chaussure par an, de dentifrice sans goût, de produits rares et rustres. Et ils l'ont fait à une époque où l'île était assez fermée pour se protéger du désir d'avoir. À une époque aussi où le système était plus égalitaire, le plus riche pouvant gagner jusqu'à 5 fois plus que le plus pauvre, le ratio est à faire baver n'importe quelle de nos sociétés, où la culture était en ébullition, où l'éducation et la santé n'étaient pas encore devenues un discours de propagande sur une grandeur d'antan... Désormais, ils désirent... la bague sur mon doigt, le sac à dos qui est devenu ma maison - "Combien coûte un sac à dos comme vous avez tous dans ton pays?" -, un lecteur DVD, des stylos, des cahiers, des savons, des drapeaux, du Coca, des chocolats... des dollars, un mariage... C'est une société de consommation étouffée sous des interdictions, qui ne demande qu'à éclater pour participer à la grande mascarade du désir insatiable. Le même désir cultivé par un mélange de privation et d'envie que nos foules affamées de nouveauté. Aliénés à un désir devenu besoin qui les force à travailler toujours plus pour un rêve qui s'éloigne toujours de quelques innovations chaque fois qu'ils le croient à bout de bras.
Peut-être est-ce la grande victoire du capitalisme, d'avoir réussi à s'infiltrer partout. Même à Cuba. Ou plutôt la permanence en nous d'un état de désir, qu'on appelle aussi envie et espoir, dans lequel on s'oublie, et on oublie le présent.
Dans la même veine, Raphaël Enthoven déclarait dans un article sur l’espoir dans Philosophie magazine (p. 18) : « Ainsi, l’espoir est l’alibi de la résignation. […] De quoi témoigne celui qui dit « vivre de l’espoir », sinon que sa situation est précisément désespérée puisque, hors de l’espoir, il ne vivrait pas ? »
Aujourd'hui, l'homme nouveau n'a pas résisté à un capitalisme d'État qui a autorisé la société de consommation à entrer dans l'île, tout en érigeant des murs tout autour dans l'espoir naïf de le contenir à l'intérieur des hôtels. Les magasins de rationnement aux étagères vides côtoient les boutiques d'État qui vendent rhum, vin, softs, pâtes, jambon, fromage et gâteaux aux prix de l'occident. Les fruits et les légumes cultivés par les petits paysans sont rachetés pour être vendus sur les agromercado, à des prix favorables aux touristes et à la classe bourgeoise... Il faudrait que les autres se satisfassent de leurs oeufs et de leur congri quotidien, d'une paire de chaussure par an, de dentifrice sans goût, de produits rares et rustres. Et ils l'ont fait à une époque où l'île était assez fermée pour se protéger du désir d'avoir. À une époque aussi où le système était plus égalitaire, le plus riche pouvant gagner jusqu'à 5 fois plus que le plus pauvre, le ratio est à faire baver n'importe quelle de nos sociétés, où la culture était en ébullition, où l'éducation et la santé n'étaient pas encore devenues un discours de propagande sur une grandeur d'antan... Désormais, ils désirent... la bague sur mon doigt, le sac à dos qui est devenu ma maison - "Combien coûte un sac à dos comme vous avez tous dans ton pays?" -, un lecteur DVD, des stylos, des cahiers, des savons, des drapeaux, du Coca, des chocolats... des dollars, un mariage... C'est une société de consommation étouffée sous des interdictions, qui ne demande qu'à éclater pour participer à la grande mascarade du désir insatiable. Le même désir cultivé par un mélange de privation et d'envie que nos foules affamées de nouveauté. Aliénés à un désir devenu besoin qui les force à travailler toujours plus pour un rêve qui s'éloigne toujours de quelques innovations chaque fois qu'ils le croient à bout de bras.
Peut-être est-ce la grande victoire du capitalisme, d'avoir réussi à s'infiltrer partout. Même à Cuba. Ou plutôt la permanence en nous d'un état de désir, qu'on appelle aussi envie et espoir, dans lequel on s'oublie, et on oublie le présent.
Dans la même veine, Raphaël Enthoven déclarait dans un article sur l’espoir dans Philosophie magazine (p. 18) : « Ainsi, l’espoir est l’alibi de la résignation. […] De quoi témoigne celui qui dit « vivre de l’espoir », sinon que sa situation est précisément désespérée puisque, hors de l’espoir, il ne vivrait pas ? »
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