Sur la Calle Obispo, rue pavée, piétonne, touristique, où des restaurants que l'on paye en pesos convertibles partagent le trottoir avec les magasins d'État et les fameuses pizzas à 10 pesos cubains, deux flics poussent du pied un chien noir avachi sur le dos, jambes écartées. Pendant quelques secondes, j'ai l'impression que l'embarras des deux hommes vient de cette énorme érection qui semble donner au chien un air ébahi et calme. Indécence d'un tel abandon au milieu des passants. Mais quand même, dans cette île où l'on combat l'obscénité pour des raisons politiques, la prostitution se promène à visage découvert. Et les flics se graissent les pattes au passage en prenant leur pourcentage. Alors ce pauvre chien et sa trique..
Et puis, je comprends, que le chien bande pour l'éternité. Il est mort, là, comme ça, dans un moment d'extase, en plein milieu de la rue la plus touristique de La Havane. J'ai été trompée par le calme qui émanait de ses yeux fixes. Presque l'impression qu'il me souriait. Et j'avais voué depuis quelques années une foi furieuse à des scénarios plus barbares. Ils ne pouvaient qu'écarquiller les yeux, les presque morts, avec effroi, en voyant arriver ce rien. Se demander pourquoi, et être transi par l'ampleur de leur solitude, et du mensonge. Ce n'est qu'un chien noir mort dans un moment d'extase. À moins que la réaction soit mécanique. Mais il me fait ravaler mon mythe odieux pour accepter que peut-être, la mort.
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