"Mère, à la mémoire qui tremble de peur, dont le corps sous le poids des secrets a fini au fil des siècles par se déformer. Graisse. Peau qui ride. Jambes qui varicent. Mère d'absences, notre mère absente qui erre comme un fantôme dans les couloirs d'un hôpital.
Quelle qualité de femme aurais-je été si elle s'était donné la peine de nous montrer de quel bois se chauffe le coeur d'un homme? Quel type de nègre aurais-je aimé si, levée tard, le geste tendre, elle nous avait accueillies, au coeur de son lit, la bouche molle, pleine d'histoires, un mot gentil, un mot-sourire pour chacune des parties de notre corps?
Couleur de peau : pas assez claire. Cheveux: gratinés à ne plus savoir qu'en faire. Yeux: couleur cochon. Corps: mystère et boule de gomme. Faites attention, juste faire attention au grand méchant loup qui passe. Du sexe, il n'en est pas question. Juste mettre tampon. Bien se laver dedans. Le serrer comme du poisson pourri entre les cuisses. L'ouvrir quand les circonstances l'exigent, pas pour soi mais pour l'autre, ce mâle parfait, ce diable immaculé, à épouser, à ne pas laisser filer, à s'attacher avant que l'âge monte.
Corps aux autres, corps social, vérouillé, mensonger, truqué[...]."
mardi 6 octobre 2009
Kanor, D'eaux douces, p. 86
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