samedi 24 janvier 2009

Les îles rouges

Je ressens toujours le même débordement d'émotion devant les gens qui se révoltent... Dans ce documentaire dont je viens de parler... Tous les rassemblements spontanés... Toutes les greves... Moments rares où on est en masse à lâcher notre confort et nos petits interets particuliers pour se battre ensemble. Surtout moments tellement rares où on se lève parce qu'on y croit!

C'est sûrement ce qui a manqué à toutes ces greves étudiantes d'ici. La force de l'espoir... Ils le disaient, et ça me jetait des rides à la figure de voir ces enfants tout ecrasés par la mesure, la raison, le renoncement, que ça ne servait à rien, qu'on perdait du temps, queça ne marcherait pas, alors pourquoi perdre sa session... C'était très très triste et je transformais cette tristesse en colère...

Depuis 5 jours, la Guadeloupe est en greve générale contre "la vie chère". 115 stations-service sont fermées, plusieurs manifestations ont eu lieu, une vendredi à Pointe-à-Pitre qui a fait fermer des commerces, une aujourd'hui d'où émanait d'apres Libé un chant d'indépendance... "La Gwadloup sé tan nou, la Gwadloup a pa ta yo: yo péké fè sa yo vlé an péyi an-nou" (La Guadeloupe nous appartient, elle ne leur appartient pas: ils ne feront pas ce qu'ils veulent dans notre pays). Je glane au passage des commentaires racistes sur le site du quotidien français, qu'ils sont assistés, qu'ils ne s'en sortiraient pas sans la métropole, qu'on n'a qu'à leur donner leur indépendance, puisqu'ils sont incapables de s'en sortir seuls, les laisser finir comme Haïti... Toujours les mêmes tristes mots, mais peu importe, puisque les gestes sont plus forts...

A Reijkavik, des milliers d'Islandais manifestent depuis mardi pour demander la démission du pouvoir. Chants, casseroles et instruments de musique bruyants. Oeufs et fromages blancs comme arme contre les boucliers armés. L'opposition sort du Parlement et se mêle à la foule. Les lyceens s'en mèlent le mercredi. Le bureau du premier minitre est peint en rouge, des feux réchauffent les manifestants, les gaz lacrimaux sèment le doute, le gouvernement reste silencieux.

Dans la petite île de Lampedusa (Italie), les immigrants clandestins manifestent contre la mise en place du Centre d'identification et d'expulsion. Contre leurs conditions de vie dans le centre de détention aussi.

Il y a une révolte qui vient des îles.

Dans la salle de projection, quand le générique de fin avait mis fin à ces images de resistance, la salle entière avait applaudi. Et ne s'arretait plus, et s'était levée, moi la première, pour remercier la réalisatrice, et tous ces gens qui ne nous voyaient pas les regarder, et qui nous avaient arraché des larmes, et nous insufflaient du courage. C'est vrai, j'étais pleine de courage en sortant de cette salle, et je me demandais comment écrire un livre qui transmette cette énergie, soudainement c'était évident... La réalisatrice avait répondu aux questions. Elle était fade, ses réponses egratignaient mon film, celui que j'avais vu et qui n'avait rien à voir avec ce qu'elle tentait de résumer, d'expliquer. La pauvre... En l'écoutant je me disais que ce film lui échappait completement, qu'elle n'avait été qu'un fil, la force de ces gens-là cognait dans toutes les têtes... elle "voulait faire un film sur l'art" répétait-elle... Elle avait l'air de ne pas comprendre. L'arme qu'elle avait entre les mains. Jamais vu des Quebecois se lever avec une telle ferveur... Ils ne pouvaient plus s'arreter...

[Photo de Cristopher Cichoki: http://organicabstraction.com/]

Aucun commentaire: