Plus on approche de Trinidad, plus le ciel s’assombrit. L’avion tangue, un trou d’air, des cris aigus derrière moi et des cliquetis de ceintures qu’on avait bravement oubliées . Je devrais me mettre à pleurer, la peur si familière de cette ferraille volante poussée à bout par la tension ambiante, mais je souris au hublot. La mort pourrait bien me prendre là… L’avion atterit sans me prendre ce bien-être abruti. Soit j’ai combattu ma peur, soit les cachets gobés avant d’embarquer…
Deuxième vol 6 heures plus tard. Je ne prends rien. Pour être fixée. « True happiness is having wings », chante Ben Harper dans mes oreilles. Mais quand l’avion décolle, on dirait que le bonheur serait plutôt d’avoir les pieds sur terre. Il pleut beaucoup. Beaucoup de vent. Le 20 places tremble à nouveau. Un grand noir fait un signe de croix. J’écarquille les yeux. Oublie de saluer l’homme qui vient de s’installer à côté de moi. Je déballe mes outils, mains moites et gorge nouée, un peu d’huile essentielle de menthe, respire Céline, respire, de l’homéopathie contre l’angoisse, je bouffe trois cachets d’un coup, quelques biscuits, retire mon mp3 des oreilles pour écouter pour la centième fois les consignes de sécurité dans l’espoir d’y épuiser mon angoisse… L’homme en profite pour entamer la discussion. Je grimace un peu, mais cède. Oscar. Mexicain. Une cinquantaine d’années. Il sent l’ail et le travail physique. L’avion fait un bruit du diable et s’enroue régulièrement comme si le moteur donnait tout ce qui lui restait. Oscar est venu dans les Caraibes pour travailler sur les chantiers des complexes touristiques de luxe. Il vient de faire 4 semaines dans l’île Moustique, cette île qui coute 10 000 dollars US la nuit. Il part pour St-Vincent. L’avion tangue. Il me conseille certaines îles, se raconte, raconte la façon dont il a appris l’anglais. Une grosse secousse, je me crispe, il me félicite. « You did it. It’s OK now. » Je réalise que les roues de l’avion ont déjà touché le sol, qu’il a senti ma peur et qu’il a rempli le vol d’échanges pour me divertir. J’ai une pensée pour Pierre qui fait ça chaque fois que nous prenons l’avion ensemble, et une bouffée de reconnaissance pour cet homme attentif. Lui est heureux, on perd tant de temps à s’isoler les uns des aujtres, regarde tous les autres passagers, personne ne s'est parlé…
Je ne voudrais pas la refaire à la Marion Cottillard…, mais si c’est vrai qu’il y a des anges sur terre, on en croise surtout dans les airs. J’en rencontre d’autres. Mais regardez moi cette allure. J’ai l’air d’un oisillon. Égarée et souriant au premier bec qui me fait la béquée. Ça a de quoi inquiéter les bonnes ames en effet.
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