mardi 7 avril 2009

Terre, terre, terre

- Est-ce que les morts sentent notre amour quand on dépose nos mains chaudes sur la stèle? Tu le sais toi?
- C'est toi la fille de la ville. Moi, ces histoires de mort et de pierre...
- Mais en ville, tu sais, on la touche pas la pierre. On la pare.

... Et elle se met à pleurer à l'énonciation de ce geste vide. Décorer une pierre au lieu de la toucher. Quand elle était gamine, elle passait tous les soirs par le cimetière du village pour que les plus vieux morts ne croient pas qu'on les avait oubliés. Elle plongeait dans la grosse benne du fond pour en extirper les ornements dont d'autres ne voulaient plus, elle leur inventait des soeurs, et des collègues, des partenaires de bowling qui pleuraient leur coéquipier sur un marbre granite. Avec des fleurs de plastique dans des vases félés. La dernière fois qu'elle y avait mis les pieds, une tige de fer lui avait traversé le gauche pendant qu'elle fouillait dans la benne. Elle avait dû marcher jusqu'à la maison avec son pied en sang. Elle avait inventé une histoire qui ne tenait pas debout, mais s'était fait engueuler quand-même, quelle empotée, de s'enfoncer un bout pareil dans le panard, faut vraiment être miro pour pas le voir, et l'hopital, et la piqure contre le tetanos...

- Pourquoi tu tiens tant que ça à ta maudite pierre?

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